UKSHIN HOTI 3ème partie La guerre du Kosovo prend fin le 10 Juin 1999. Les troupes serbes se retirent, l’OTAN s’installe et un million d’albanais du Kosovo, chassés pendant la guerre, reviennent sur leurs terres. Le peuple albanais doit faire face aux dégâts provoqués par la guerre ; sans abris, des familles entières dorment dans des abris de fortune (tentes ou maisons détruites). Pourtant, tous les Albanais ne sont pas revenus. Certains attendront qu’un membre de leur famille revienne, certains reviendront aussitôt ; d’autres, libérés des geôles serbes, retrouveront leur famille plus tard et enfin d’autres encore ne reviendront jamais. On ignore si ceux-ci sont aujourd’hui morts ou vivants. À ce jour, il y a 1655 disparus de la guerre du Kosovo et parmi eux se trouve Ukshin Hoti22. Le Kosovo déclare son indépendance unilatéralement le 17 février 2008. La Russie, membre du conseil de sécurité et allié de la Serbie, pose son véto. Le Kosovo n’est par conséquent aujourd’hui toujours pas un pays reconnu par la Serbie ni par les Nations Unies. L’indépendance du Kosovo est sous tutelle de l’EULEX, une mission européenne qui a pour but d’accompagner le Kosovo dans le processus de construction d’un État de droit et démocratique. Qu’en est-il de la démocratie authentique que préconisait Ukshin Hoti et qui avait germé au Kosovo en 1981 ? Qu’en est-il de l’autodétermination des peuples, de cette idéologie inscrite dans la charte des Nations Unies23 ? Tout cela ne rend-il pas caduque l’union de l’Albanie et du Kosovo ? Que dire également de l’article 1 alinéa 3 de la constitution du Kosovo ?
« La République du Kosovo n’a aucune prétention territoriale à l’encontre d’aucun État ou d’une partie d’un État et ne revendique aucune union avec un État ou une partie d’un État. »
Cette situation laisse plus de place au Mouvement d’Autodétermination du Kosovo. Aux dernières élections municipales, le mouvement a obtenu 20% des voix, gagnant même le bastion de la LDK qu’est la mairie de Prishtina. Le mouvement se veut héritier de la pensée d’Ukshin Horti. Mais est-il vraiment ce qu’il prétend être ou utilise-t-il le personnage d’Ukshin Hoti comme symbole de son mouvement comme le PDK utilise le militaire Adem Jashari ou la LDK utilise Ibrahim Rugova ? Ce qui est certain, c’est que le Mouvement d’Autodétermination gagne davantage de voix et par la même occasion le nom d’Ukshin Hoti se fait entendre de plus en plus. Une école secondaire baptisée de son nom a été construite en 2008 dans son village natal. L’université de Prizren a également été nommée l’université Ukshin Hoti. La maison dans laquelle il vivait après 1990 a été reconstruite en maison-musée et inaugurée le 17 juin 2013, le jour où il aurait eu 70 ans. Diverses conférences sont organisées à Prizren et à Prishtina lui rendant hommage. Récemment, les habitants de la commune d’origine de Ukshin Hoti ont déposés une pétition ayant récolté plus de onze mille signatures, au parlement du Kosovo, afin de résoudre le cas Ukshin Hoti24. Au mois de mai 2014, un nouveau livre est publié : « Çeshtja kombëtare shqiptare : kompenenti religjioz » (La question nationale albanaise : la composante religieuse).
La maison de Ukshin Hoti. Inaugurée comme Maison-Musée lors de son septantième anniversaire le 17 juin 2013.

La philosophie de Ukshin Hoti

La philosophie d’Ukshin Hoti est, non seulement, le produit de sa propre réflexion mais aussi de ses études scientifiques se basant sur les œuvres de philosophes, politologues, économistes et sociologues reconnus tels que Ralf Gustav Dahrendorf, George Kennan, Adam Smith, Max Weber et Slavoj Zizek. Sa maîtrise du serbo-croate et d’autres langues étrangères comme l’anglais, le français et l’italien lui ont permis d’accéder à la lecture d’œuvres qui ne sont aujourd’hui toujours pas traduites en albanais. Parmi ses auteurs favoris nous pouvons citer : Hegel, Thomas Hobbes, Emmanuel Kant, Karl Marx, Thomas More et Alexis de Tocqueville. Amateur de la théorie critique de l’école de Francfort, il base ses écrits sur celle-ci, citant notamment Theodor W. Adorno, Jürgen Habermas, Max Horkheimer et Wilfried Röhrich. Ukshin Hoti se définissait lui-même comme étant un sociologue politique. C’est-à-dire qu’il étudiait les liens et les comportements humains vis-à-vis de l’État. Ses écrits sont d’ailleurs très significatifs à ce sujet, il cite souvent des exemples de sa propre vie pour démontrer sa connaissance de la société albanaise et soutenant que la résolution des problèmes auxquels celle-ci est confrontée doit être en adéquation avec le fonctionnement intrinsèque de cette société. Connaisseur de la société indienne et notamment de la philosophie de Gandhi, qu’il cite souvent, il affirme que celle-ci n’est pas en adéquation avec le peuple albanais. Sans émettre de jugement, il ajoute que si le Gandhisme a fonctionné en Inde c’est parce que le « Mahatma », malgré les difficultés rencontrées, connaissait sa propre société et que les circonstances à ce moment précis ont permis également que cela s’accomplisse. Ukshin Hoti s’offusque d’ailleurs, lorsque la presse alloue à Ibrahim Rugova le statut de Gandhi des Balkans. Voici un extrait à ce sujet :
« On ne doit pas exagérer avec ce que les journalistes appellent le gandhisme du peuple albanais. En effet, celui-ci se fonde toujours sur sa propre méthode de lutte. C’est pour ce qui, de nos jours, sur les pages de la presse, est loué comme du gandhisme, que certains individus, qui n’ont aucun rapport avec le gandhisme, sont haussés jusqu’au ciel, reçoivent des récompenses, se font tapoter les épaules, sont remerciés, etc. Si cela ne se fait pas que pour m’enrager, l’on peut dire alors que les limites sont dépassées. Je sais que l’on ne peut pas qualifier de gandhisme toute méthode de lutte pacifique et démocratique, parce que de telles méthodes de lutte ne sont pas forcément le produit de toute cette philosophie de la non-violence, telle que la philosophie de Gandhi, mais seulement le reflet de situations et de circonstances déterminées. Je sais aussi que, dans le monde, cette philosophie est de nos jours soutenue précisément par ces milieux qui ont tout fait et qui continuent de tout faire pour que les gens ne la comprennent pas. Mais cela c’est leur affaire. Et puis, et c’est cela le plus important, une partie de l’intelligentsia albanaise devrait enfin comprendre que, pour diriger son peuple, elle doit faire fonctionner sa propre tête, parce que, le peuple albanais, malgré sa majorité musulmane, n’a jamais été et ne sera jamais un peuple asiatique. Étant donné que l’islamisme n’a aucun lien avec le peuple albanais, lui imposer des valeurs contraires à son esprit pratique, n’est pas seulement une incompréhension et une mauvaise interprétation, mais aussi une violation de sa dignité de peuple européen ancien. Je ne m’en suis pas senti personnellement visé, mais, pour moi, c’était une obligation intellectuelle envers ce colosse de la pensée et de l’esprit humains que du réagir contre de telles exagérations. »
Ukshin Hoti était une personne dérangeante pour le pouvoir serbe. Ce même pouvoir qui a permis à un Albanais originaire d’un village de 5 mille habitants de gravir pas à pas les échelons de l’Administration de l’État yougoslave, se retrouve ainsi à faire face à ce même homme, ayant accumulé suffisamment de connaissances pour comprendre le fonctionnement de l’appareil d’État yougoslave, ayant compris les enjeux globaux de par ses recherches et ses voyages internationaux, dénonçant dans un premier temps le développement économique insuffisant du Kosovo, puis dans un second temps, le régime ségrégationniste serbe. Pourtant dans son acte de défense en 1994, il accuse également une partie de l’alternative du Kosovo de l’avoir également emprisonné avec l’accord du régime serbe. Voici des extraits :
« Le procureur m’accuse d’avoir voulu séparer violemment la République du Kosovo de la Serbie. Puisque la République de Serbie reconnaît, de facto, la République du Kosovo et que la séparation de cette dernière de la Serbie est l’objectif de toute l’alternative politique albanaise du Kosovo, on ne saurait plus m’accuser de vouloir cette séparation, mais uniquement de la manière de la réaliser (violemment). […] Si la République de Serbie reconnaît de facto la République du Kosovo, alors l’exercice de ses fonctions, sous la forme d’un procès, dans le territoire de la République du Kosovo, est soit un acte convenu entre elles, soit un acte de violation à l’encontre de cette dernière. […] J’ai été arrêté par la police de la République de Serbie, probablement à la demande d’une partie de l’alternative albanaise de la République du Kosovo. La cause directe de mon arrestation a certainement été la crainte irrationnelle de cette partie de l’alternative albanaise, que l’équilibre des forces politiques ne se rompe et qu’une situation imprévisible et incontrôlable ne se crée, après mon arrivé à Prishtina, à la tête de l’UNIKOMB. »

La morale politique

Ukshin Hoti relève également dans ses écrits les travers de la société albanaise. Il affirme que le système tribal-féodal du Kosovo entrave le développement moral de la région dans les sphères politiques albanaises. Il dénonce la politique politicienne ; il est pour une confrontation ouverte basée sur des faits scientifiques. À l’écoute de son peuple et de ses revendications, il ne cache pas que la politique est le moyen le plus pragmatique d’atteindre en toute légalité le but fixé par ses concitoyens (Le démocratie authentique). Il est important de noter la légalité de toutes les actions entreprises par Ukshin Hoti, il connaissait ses droits, les droits de son peuple et de ce fait, était davantage persuadé de la véracité de ses actes. Il est convaincu que les Albanais doivent faire preuve d’une morale politique noble et saine pour atteindre leurs objectifs et non pas d’une politique serbe qu’ils prennent comme modèle25. Il est par conséquent en opposition avec la philosophie de Machiavel. Voici un extrait dans lequel Ukshin Hoti parle du philosophe italien :
« Un but noble ne peut pas être atteint par des méthodes machiavéliques, par des intrigues et des calomnies. L’unification de l’Italie n’a pas été le résultat de la pensée politique de Machiavel, mais uniquement de la pensée politique de Mazzini et de la lutte menée avec abnégation par la morale élevée de Garibaldi. Machiavel décrit la lutte politique pour le pouvoir menée par des dominateurs sans scrupules et par des princes de l’Italie féodale. Confiant que l’un d’entre eux allait se servir de son pouvoir en faveur de l’unification de l’Italie, il leur donnait des instructions pour le renforcer. Les habilités magistrales qu’il décrit et recommande ont certes été utilisées lors des luttes sanglantes pour le pouvoir, par des courtisans et des despotes, par des tyrans et des dictateurs anciens et modernes. Mais elles n’ont jamais, au cours de l’histoire, mené à la victoire d’un quelconque mouvement politique sérieux, ni au renforcement d’un quelconque pouvoir démocratique. Elles peuvent mener vers le renforcement d’un pouvoir ou de la position d’un détenteur de pouvoir despotique, autocratique, autoritaire et totalitaire ; elles sont des méthodes d’une lutte sans scrupules, effrontée et sanglante pour le pouvoir ; elles sont en opposition flagrante et profonde avec la notion même de la démocratie. »
Bislim Elshani, proche de Ukshin Hoti, est un spécialiste de la philosophie politique de ce dernier. Voici un extrait de son article sur la morale politique de Ukshin Hoti.
« En tant que scientifique et chercheur de sociologie politique, Ukshin Hoti est un observateur strict des lacunes sociales albanaises. Les causes phénoménologiques de l’opportunisme politique parmi les Albanais, en particulier chez une partie de la jeunesse, il les trouve dans les rapports anachroniques étroitement liés au patriarcat clanique du Kosovo. Dans une cérémonie mortuaire, dans lesquelles ont lieus fréquemment des débats politiques, un provocateur de la LDK demande à Ukshin Hoti : Vous voulez nous faire revenir le communisme ? J’ai été impressionné par sa réponse significative : « Non, mais nous voulons éradiquer la féodalité ». Contrairement à la question, la réponse n’était pas provocante, mais dissimulait précisément l’essence des relations sociales au Kosovo, qui sont encore caractérisées par le philistinisme tribal et la mentalité féodale. Ces caractéristiques enrayent de manière significative l’intégration euro-atlantique du Kosovo. »

L’unité nationale

Ukshin Hoti a posé les fondations de la diplomatie, des relations internationales et d’une politique professionnelle au Kosovo. Sa conscience des enjeux politiques et géostratégiques internationaux concernant l’avenir du Kosovo et de l’Albanie, se basant sur des faits scientifiques, analytiques et historiques. Il est convaincu de l’idée que le peuple albanais du Kosovo a le droit à l’autodétermination des peuples. Que cette solution amènera plus de stabilité dans les Balkans, pour le bien des pays en son sein, mais également pour l’Europe entière qui a toujours sous-estimée le facteur de stabilité de cette région. Voici un extrait ou il soutient la thèse de l’unité nationale :
« Le peuple albanais doit s’unifier. Tout le monde le sait et personne ne le conteste. Il doit s’unifier, parce que sur le plan spirituel, il est déjà unifié, puisqu’il a la même langue, la même culture, et la même histoire ; parce qu’il est un peuple européen ancien, qui a démontré depuis longtemps sa maturité à constituer un État ; parce qu’il a atteint, depuis longtemps, le niveau de conscience politique requis pour lui-même, pour le pays et pour ses intérêts dans la région ; et parce qu’il a démontré, de façon glorieuse et sur tous les plans, son utilité dans le sein de la communauté européenne. Il n’a pas besoin de démontrer son appartenance à cette communauté. Malgré sa position géographique et l’appartenance de la majorité de ses membres à la religion islamique, il a été et est resté un peuple européen. Il doit s’unifier parce que le droit à l’autodétermination est l’un des acquis les plus vitaux de la civilisation européenne, que celle-ci a proclamé elle-même. Ce droit ne peut être refusé ou nié à aucun des peuples de l’Europe. Le peuple albanais en a besoin pour pouvoir se développer et atteindre le niveau général de la communauté à laquelle il appartient. »
Aujourd’hui, le Kosovo et l’Albanie sont tous les deux des pays démocratiques, ou du moins dans le long processus de démocratisation des pays sortant de la guerre ou provenant du bloc communiste. Ces deux pays ont le droit si telle est leur volonté, dans le principe même de l’autodétermination, de disposer d’eux-mêmes et de s’unir. Pourtant on est encore loin d’une éventuelle union entre ces deux pays. Bien que les accords commerciaux soient en augmentation. Il subsiste en outre, au-delà des réelles frontières, des barrières entre ces deux pays provoquées par plus de 80 ans de séparation que seul le temps estompera. Et si bien même il venait à ce que ces pays se joignent, cela réglerait-il le problème albanais dans les Balkans ? En effet, qu’en est-il des albanais de Macédoine, de Serbie, du Monténégro et de Grèce ? En Macédoine, malgré les accords d’Ohrid en 2001, l’albanais n’est toujours pas une langue officielle malgré une population albanaise de 25,17% selon les statistiques macédoniennes26« L´état albanais est le seul pays en Europe ayant au-delà de ses frontières des gens de son propre peuple » dit Ukshin Hoti. Pour ajouter au drame qu’est le sien, notons qu’il ne s’est jamais rendu en Albanie. Il propose une union des albanais bien au-delà de simples critères nationalistes mais affirme que celle-ci serait un facteur de stabilité dans les Balkans et ne permettra pas une instrumentalisation des différents peuples en son sein par des enjeux géostratégiques globaux. Convaincu de l’idée que le peuple albanais s’émancipera au sein d’un seul État, celle-ci et ses convictions l’ont pourtant conduites en prison et certainement menées à la mort.

Les disparus

Prishtina, portrait des disparus de la guerre.

Pour les proches d’Ukshin Hoti qu’il m’a été donné de rencontrer, comme Afrim Hoti, Andin Hoti et Bislim Elshani, rien de suffisant n’a été fait afin de trouver ce qu’il est advenu de Ukshin Hoti. C’est une personne oublié de l’histoire du Kosovo, malgré sa large contribution et le sacrifice qu’il a fait pour sa nation. Sa sœur Myrvete est aujourd’hui toujours persuadée que son frère est en vie, détenu quelque part en Serbie ou ailleurs. Après la guerre, c’est elle qui fera toute les démarches nécessaires pour trouver la vérité au sujet de son frère, malheureusement en vain. Le cas Ukshin Hoti nous donne aujourd’hui le droit de se questionner sur l’insuffisance du gouvernement du Kosovo à traiter la question des disparus de guerre. 15 ans après la guerre, on dénombre encore 1655 disparus. Certaines familles espèrent ainsi toujours voir revenir un des leurs. Alors que des accords de normalisation des rapports entre le Kosovo et la Serbie ont débuté en 2011, sous la tutelle de l’union européenne, dans le but de faciliter l’intégration de ces deux pays dans celle-ci, le cas des disparus est simplement ignoré. Pourtant, en décembre 2013, au sud de la Serbie un charnier est découvert. On estime trouver ici le corps de 250 à 350 Albanais27. En mars 2014, 48 corps d’Albanais ont été retrouvés dans un aéroport militaire près de Belgrade28.

Conclusion

La vie de Ukshin Hoti est un parfait parallélisme des événements ayant eu lieu au Kosovo post 2ème guerre mondiale. Celui-ci se trouva au centre des principaux évènements marquants. Raconter l’histoire de Ukhsin Hoti c’est raconter l’histoire du Kosovo, c’est raconter l’histoire du peuple albanais du Kosovo. Aujourd’hui la jeunesse du Kosovo le réclame, une jeunesse qui n’est pas pervertie par l’appât du pouvoir, qui est persuadée de la pureté des actes de Ukshin Hoti et qui se questionne encore sur l’avenir de sa nation. Rappelant une partie de cette jeunesse de la révolte estudiantine, celle qui avait fourni le zèle nécessaire à Ukshin Hoti pour s’engager, les défendre et renoncer à son travail, à ses avantages qu’il avait lui-même acquis par ses études, pour la cause albanaise. C’est cette jeunesse qui affiche encore sur les murs son visage interrogateur. Cette épitaphe disséminée questionne toujours : « Où est Ukshin Hoti ? ». Le peuple albanais devrait-il y voir aujourd’hui un sens différent ? Et si ce graffiti leur retournait la question ? Comme si au fond Ukshin Hoti guidé par sa détermination et sa conscience sachant où ses actions allaient fatalement le mener, interrogeait son peuple : « Mais vous, où êtes-vous ? ».

UKSHIN HOTI : chronologie

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